Jugement n° 4830
Décision
1. La décision du Secrétaire général du 21 octobre 2021, en ce qu’elle a considéré que le recours interne du requérant, en tant qu’il portait sur la décision de mutation du 2 mai 2019, était irrecevable, de même que la décision de mutation du 2 mai 2019 sont annulées. 2. L’UIT versera au requérant une indemnité pour tort moral de 7 000 euros. 3. Elle lui versera également la somme de 5 000 euros à titre de dépens. 4. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Synthèse
Le requérant conteste la décision implicite de rejet de sa demande de régularisation de sa situation administrative, la décision ordonnant sa mutation, la décision de lui accorder une indemnité spéciale de fonction en ce que cette décision excluait une certaine période et que son montant n’était pas suffisant, et la décision prononçant sa promotion, en ce qu’elle n’était pas rétroactive et ne le classait pas à l’échelon 7 du grade G.4.
Mots-clés du jugement
Mots-clés
Requête admise; Recevabilité de la requête; Mutation; Promotion; Indemnité spéciale de fonctions
Considérant 5
Extrait:
Même s’il est vrai que l’UIT s’appuie en partie, dans le cadre de la présente requête, sur d’autres motifs que ceux qu’elle avait fait valoir, au niveau de la procédure de recours interne, devant le Comité d’appel, le Tribunal considère qu’une organisation peut, sans qu’y fasse obstacle la jurisprudence à laquelle se réfère le requérant sur ce point, faire valoir devant lui d’autres motifs que ceux qui ont été invoqués dans le cadre de la procédure de recours interne, dès lors que cette organisation a bien soulevé, au cours de cette procédure, une exception d’irrecevabilité fondée sur l’absence d’exercice valable des voies de recours interne, quel qu’en soit par ailleurs le motif précis. Se prononcer en sens contraire reviendrait à obliger une organisation à invoquer d’emblée, dans le cadre de la procédure de recours interne, l’ensemble des motifs susceptibles de justifier son exception d’irrecevabilité, alors même qu’elle pourrait être d’avis, à tort ou à raison, que les motifs principaux qu’elle a avancés devant l’instance de recours interne suffisaient par eux-mêmes.
Mots-clés
Recevabilité de la requête; Nouveau moyen; Estoppel
Considérant 6
Extrait:
[L]e Tribunal note que, dans sa lettre du 12 décembre 2018 adressée au Secrétaire général, le requérant fondait ses prétentions sur des décisions administratives qu’il n’a pas contestées dans le délai prescrit par la disposition 11.1.2 [...] du Règlement du personnel. En effet, il ressort du dossier que l’intéressé n’a pas formulé de demande de reconsidération à l’encontre de sa description de poste ou de sa mutation lorsqu’il a été transféré le 1er janvier 2014 […] Il n’a pas non plus introduit de demande de reconsidération à l’encontre des bulletins de salaire qu’il a reçus chaque mois depuis lors. Le Tribunal ne peut suivre le requérant dans son argumentation selon laquelle sa demande du 12 décembre 2018 ne se heurterait à aucun délai car elle aurait pour objet la réparation indemnitaire intégrale du préjudice qu’il aurait subi pour la période allant du 1er janvier 2013 au 1er mars 2020, et que l’engagement d’une action de ce type ne serait pas, en tant que tel, enfermé dans un délai déterminé. Le Tribunal estime que la présentation ainsi faite du litige est artificielle car, dans un contentieux touchant, comme en l’espèce, à la contestation de décisions individuelles, l’indemnisation du préjudice résultant de la prétendue illégalité de telles décisions ne saurait être accordée qu’en conséquence de l’annulation de celles-ci, ce qui suppose, par définition, qu’elles aient été contestées dans le délai de recours applicable. Adhérer à cette argumentation de l’intéressé aboutirait à autoriser les fonctionnaires de l’organisation à se soustraire, en pratique, aux effets des règles de délais de recours en leur permettant de demander à tout moment la réparation des torts que leur aurait causés une décision individuelle alors même qu’ils n’auraient pas contesté celle-ci en temps voulu. Pareille situation ne serait guère admissible au regard de l’exigence de stabilité des situations juridiques, qui, comme le rappelle régulièrement la jurisprudence du Tribunal, constitue la justification même de l’institution des forclusions (voir, par exemple, les jugements 4742, au considérant 9, et 4655, au considérant 15). Il s’ensuit que la requête du requérant est irrecevable, en ce qu’elle porte sur la décision implicite de rejet de sa demande de régularisation de sa situation administrative du 12 décembre 2018, pour non-respect de l’exigence d’épuisement préalable des voies de recours interne posée par l’article VII, paragraphe 1, du Statut du Tribunal.
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 4655, 4742
Mots-clés
Décision implicite; Recevabilité de la requête; Epuisement des recours internes; Délai; Forclusion; Réparation; Non-épuisement des voies de recours interne; Moyens de recours interne non épuisés
Considérant 7
Extrait:
Conformément à une jurisprudence constante du Tribunal fondée sur les dispositions de l’article VII, paragraphe 1, de son Statut, la tardiveté du recours interne formé par un requérant entraîne l’irrecevabilité de sa requête pour défaut d’épuisement des voies de recours interne offertes aux membres du personnel de l’organisation, dès lors que ces dernières ne sauraient être regardées comme épuisées que s’il en a été usé dans les conditions de forme et de délai requises (voir les jugements 4655, au considérant 20, 4160, au considérant 13, et 4159, au considérant 11, ainsi que, par exemple, les jugements 2888, au considérant 9, 2326, au considérant 6, et 2010, au considérant 8). Toutefois, il existe des exceptions à ce principe général posé par la jurisprudence du Tribunal. L’une d’entre elles est le cas où l’organisation défenderesse a induit le requérant en erreur, le privant ainsi de la possibilité d’exercer son droit de recours en violation du principe de bonne foi (voir, par exemple, les jugements 4184, au considérant 4, 3704, aux considérants 2 et 3, 2722, au considérant 3, et le jugement 3311, aux considérants 5 et 6).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 2010, 2326, 2722, 2888, 3311, 3704, 4159, 4160, 4184, 4655
Mots-clés
Recevabilité de la requête; Epuisement des recours internes; Droit de recours; Non-épuisement des voies de recours interne; Recours tardif; Moyens de recours interne non épuisés
Considérant 13
Extrait:
[L]a décision de promotion prise le 6 mars 2020 s’inscrit dans le cadre autonome d’une nouvelle ouverture de poste après organisation d’un concours interne auquel le requérant s’est volontairement inscrit. Il s’ensuit que l’éventuelle illégalité d’une telle promotion – ainsi que de la détermination de l’échelon de celle-ci – ne peuvent s’analyser en fonction d’éventuelles illégalités qui auraient pu entacher d’autres décisions antérieures, lesquelles n’ont par ailleurs pas été contestées en temps utile, mais seulement au regard des illégalités visant la décision de promotion elle-même ou la procédure suivie en la matière. Or, force est de constater que le requérant n’invoque aucune illégalité en ce sens.
Mots-clés
Promotion; Procédure de sélection; Recours tardif
Considérant 15
Extrait:
[L]e Tribunal rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle une décision portant mutation d’un fonctionnaire international, qui, comme toute décision de nomination dans un emploi, relève du pouvoir d’appréciation du chef exécutif de l’organisation concernée, ne fait l’objet, pour cette raison, que d’un contrôle restreint. Elle n’est ainsi susceptible d’être annulée que si elle émane d’un organe incompétent, est entachée d’un vice de forme ou de procédure, repose sur une erreur de droit ou de fait, omet de tenir compte de faits essentiels, procède d’un détournement de pouvoir ou tire du dossier des conclusions manifestement erronées (voir, par exemple, les jugements 4609, au considérant 4, 4451, au considérant 6, 3488, au considérant 3, 2635, au considérant 5, 1556, au considérant 5, ou 883, au considérant 5).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 883, 1556, 2635, 3488, 4451, 4609
Mots-clés
Mutation; Contrôle du Tribunal
Considérant 15
Extrait:
[L]’organisation insiste sur le fait que le requérant a bien été informé au préalable des raisons de sa mutation, ce qui est une exigence de la jurisprudence (voir, par exemple, le jugement 4690, au considérant 6) [...].
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 4690
Mots-clés
Obligation d'information; Mutation; Motivation
Considérant 15
Extrait:
[L]a jurisprudence du Tribunal exige qu’un fonctionnaire faisant l’objet d’une mutation soit préalablement informé des caractéristiques du poste qu’il est envisagé de lui confier et, en particulier, des attributions afférentes à celui-ci, afin d’être mis à même d’exprimer également ses réactions à ce sujet (voir, par exemple, les jugements 4609, au considérant 8, 4451, au considérant 11, 3662, au considérant 5, 1556, aux considérants 10 et 12, ou 810, au considérant 7).
Référence(s)
ILOAT Judgment(s): 810, 1556, 3662, 4451, 4609
Mots-clés
Obligation d'information; Mutation; Description de poste; Consultation
Considérant 16
Extrait:
Le Tribunal observe que le requérant ne demande pas de réparation au titre du tort matériel qu’il aurait subi du fait de l’illégalité de la décision de mutation […]. Même si l’intéressé en avait formulé la demande, il n’y aurait, en tout état de cause, pas lieu d’y faire droit, puisqu’il ressort du dossier que le requérant a perçu pour ce poste une [indemnité spéciale de fonctions] […], rétroactive à la date de prise d’effet de sa mutation.
Mots-clés
Tort matériel; Mutation; Indemnité spéciale de fonctions
Considérant 17
Extrait:
[L]e requérant est fondé à soutenir que l’illégalité de la décision de mutation litigieuse lui a causé un certain tort moral. L’absence d’information préalable de l’intéressé sur les attributions afférentes aux nouvelles fonctions qui lui seraient confiées était en effet de nature à provoquer chez lui des sentiments d’anxiété et de stress et portait atteinte à ses droits, ce qui caractérise l’existence d’un tel préjudice. Le Tribunal estime qu’il sera fait une juste réparation de ce préjudice en lui allouant des dommages-intérêts d’un montant de 7 000 euros.
Mots-clés
Tort moral; Mutation
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